Archive de l'Auteur

Cría cuervos

lundi 31 mars 2025

de Carlos Saura

avec Geraldine Chaplin, Ana Torrent, Conchita Perez

Espagne | 1976 | 1h45

À la fin de la dictature franquiste, Ana et ses deux sœurs, devenues orphelines, sont recueillies par une tante autoritaire et austère. Pour faire face aux jours malheureux, la petite Ana, silencieuse et solitaire, se réfugie dans ses souvenirs en imaginant vivante sa mère précédemment décédée d’un cancer. Carlos Saura met en place une narration composée de plusieurs strates et temporalités pour révéler la puissance de l’amour d’une enfant pour sa maman disparue. Ana Torrent a 8 ans lors de ce tournage et son regard sur le thème musical Porque te vas marque à jamais les spectateur·trices. ILC.

Grand prix du jury, Cannes 1976


L’Esprit de la ruche

lundi 31 mars 2025

de Víctor Erice

avec Ana Torrent, Isabel Telleria, Fernando Fernán Gómez

Espagne | 1973 | 1h38

Dès 1976, année de la sortie de Cría Cuervos, Ana Torrent a donné son visage à l’enfance de l’Espagne post-franquiste. Trois ans plus tôt, elle jouait déjà dans L’Esprit de la ruche de Víctor Erice.
Au début de ce film incontournable du cinéma espagnol, un cinéma itinérant attire les enfants d’un village du plateau castillan. Parmi ces enfants, la petite Ana. Son visage absorbé : entre le cinéma et ce visage, une aventure naît. La placidité et l’intensité de ces grands yeux intelligents révèlent que l’innocence n’est plus de mise dans ces années 70. Une enfant sérieuse en métaphore d’un pays : c’est entre autres un des drames du franquisme que d’avoir volé des enfances – celles des générations nées pendant cette période ; celles des bébés vendus-; celles des gosses de villes et de villages, obligés de se plier aux lois du monde adulte, souvent s’en détournant, parfois les contestant. Si, dans L’Esprit de la ruche comme dans Cría Cuervos, Ana est avec d’autres enfants, c’est pourtant bien elle le révélateur solitaire de ces adultes qui «-semblent avoir perdu la capacité de sentir la vie-» (L’Esprit de la ruche). Pleinement enfant dans le geste précis de nouer ses lacets mais ne sautant pas au-dessus du feu comme les autres. Une enfant qui n’a pas sommeil, là encore métaphore d’un pays qui ne veut pas dormir, mais se tient au contraire éveillée, à l’affût des agissements secrets, pervers, prête à tout voir même sans tout comprendre. Ana voit d’ailleurs ce que les autres ne voient pas, ne peuvent ou ne veulent pas voir : elle est le contrechamp du mensonge et de l’hypocrisie. Et du refoulement, la petite imitant, rejouant, rêvant, se souvenant, pour (se) libérer. Son effronterie intérieure, le risque de désobéir, sa capacité à vivre la joie d’un instant (l’importance du lien avec ses soeurs), sa manière de s’emparer du poison (champignon vénéneux chez Erice ou mort aux rats chez Saura), son empathie, son indépendance, tout cela semble avoir conduit Ana à être une des deux mères de Dos Madres (2023), comme si avoir à l’esprit l’enfant qu’elle fut lui permit d’être une mère vivante, saine, courageuse, honnête. Si son visage d’enfant s’est gravé de face dans l’histoire du cinéma, c’est de profil qu’on la retrouve adulte chez Iriarte. Les deux films récents de l’actrice née en 1966 – Dos Madres (Víctor Iriarte) et Fermer les yeux (Víctor Erice) – n’ont rien à envier aux coups de maître dans lesquels elle débuta sa carrière, d’autant qu’ensemble, les quatre films lui ont légué un pouvoir de clairvoyance (Ana est d’ailleurs celle par qui le squelette voit dans L’Esprit de la ruche). Paradoxalement, il faut, pour cela, savoir fermer les yeux. PA.

Semaine de la critique, Festival de Cannes 1974 & Grand prix du jury, festival de San Sebastian 1973


Volver

lundi 31 mars 2025

de Pedro Almodóvar

avec Penélope Cruz, Carmen Maura, Lola Dueñas

Espagne | 2006 | 2h01

Madrid et ses quartiers de la classe ouvrière. Trois générations de femmes survivent au vent, au feu, même à la mort, grâce à leur bonté, à leur audace et à une vitalité inépuisable.
Tout Almodóvar est là : les couleurs ne sont jamais aussi belles que chez lui et l’amour pour les femmes aussi incandescent. La photographie pour sublimer le tout et voilà…CHEF D’ŒUVRE ! CA.

Prix d’interprétations féminines et prix du scénario, Cannes, 2005


Talons aiguilles

lundi 31 mars 2025

de Pedro Almodóvar

avec Victoria Abril, Marisa Paredes, Miguel Bosé

Espagne | 1991 | 1h52

Pedro Almodóvar met en valeur les relations tourmentées d’une fille ignorée par sa mère. Les talons aiguilles lointains d’une mère trop absente dont la fille s’est toujours sentie privée. Ce mélodrame mère-fille est teinté thriller dans les recoupements des personnages. Règlement de compte, adultère et jalousie, meurtres et triangles amoureux, belles preuves du génie d’Almodóvar. La mise en scène est soignée, par des couleurs chatoyantes et vibrantes où le rouge domine. Deux actrices merveilleuses avec Marisa Paredes en mère émouvante et Victoria Abril incarnant avec justesse une femme à la fois fragile et déterminée, ainsi que Miguel Bosé, l’audacieux et le talentueux. Un incontournable. DF.

Meilleur film étranger, Césars 1993


La Loi du désir

lundi 31 mars 2025

de Pedro Almodóvar

avec Eusebio Poncela, Carmen Maura, Antonio Banderas

Espagne | 1987 | 1h42

Pablo Quintero est un cinéaste et écrivain à succès de la scène culturelle madrilène des années 80.
Alors que l’artiste questionne sa relation avec Juan, un de ses amants et qu’il amorce une collaboration au théâtre avec sa sœur et muse Tina, Antonio entre en jeu brutalement, renversant les tentatives d’équilibres en présence dans la vie de Pablo.
En 1987, date de sortie du film, l’Espagne est au sortir de la movida et La Loi du désir est le premier film que Pedro Almodóvar produit avec son frère Agustin et la maison de production El Deseo qu’ils ont fondée un an auparavant. Au-delà de l’exploration du désir amoureux, Pedro Almodóvar interroge le rapport de la création au désir, jusqu’au vertige et à la chute. Une œuvre clef dans la filmographie du cinéaste. AP.

– Teddy Award, Berlinale 1987


Lettre à Franco

lundi 31 mars 2025

de Alejandro Amenábar

avec Eduard Fernández, Nathalie Poza, Karra Elejalde

Espagne, Argentine | 2019 | 1h47

Espagne, été 1936. Le célèbre écrivain Miguel de Unamuno décide de soutenir publiquement la rébellion militaire avec la conviction qu’elle va rétablir l’ordre. Pendant ce temps, fort de ses succès militaires, le général Francisco Franco prend les rênes de l’insurrection. Alors que les incarcérations d’opposants se multiplient, Miguel de Unamuno se rend compte que l’ascension de Franco au pouvoir est devenue inéluctable.

Prix du Meilleur acteur dans un second rôle pour Eduard Fernández, prix des meilleurs décors, Goyas 2020


En partenariat avec 

L’Énigme Velásquez

lundi 31 mars 2025

de Stéphane Sorlat

documentaire, raconté par Vincent Lindon

France | 2025 | 1h30

Diego Velázquez, peintre des rois et des humbles, maître du hors-champ et des mises en abyme, se trouve au cœur d’un voyage cinématographique défiant les conventions.
De la profondeur hypnotique des Ménines aux niveaux de lecture vertigineux des Fileuses, L’ÉNIGME VELÁZQUEZ s’attache à élucider une question troublante : comment cet artiste, admiré par des génies tels que Manet et Dalí, demeure-t-il si souvent en marge de la mémoire collective ?
Guidé par le fil symbolique de l’eau, métaphore du mouvement et de la réflexion, le film traverse les siècles et les continents, mêlant avec audace récits d’historiens, interprétations contemporaines et méditations sur l’héritage universel d’un maître inégalé.


En partenariat avec

Nous étions frères

lundi 31 mars 2025

de Hakob Melkonyan

documentaire

Arménie, France | 2023 | 1h25

Hakob Melkonyan, réalisateur arménien, part sur les traces de son grand-père, à travers l’Arménie, la Géorgie, l’Ukraine et la Russie, confrontant l’histoire de la 2nde Guerre mondiale avec la réalité de ces anciennes républiques soviétiques où les conflits continuent de déchirer les populations.
De portrait en portrait, Nous étions frères propose un voyage humain construit sur les récits, mémoires et témoignages d’hommes et de femmes habitant ces territoires et traversé·es par ces conflits de génération en génération.
Un documentaire qui offre un recul bienvenu sur l’Histoire et qui contraste avec le flux médiatique incessant d’une actualité tonitruante. LP.


Prix du jury lycéen, Festival international du film d’histoire de Pessac 2023


Apolonia Apolonia

lundi 31 mars 2025

de Léa Glob

documentaire

Danemark, Pologne, France | 2022 | 1h56

Épopée intime et sinueuse filmée sur treize années, Apolonia Apolonia propose le portrait d’une jeune femme artiste, depuis sa vie de bohème au cœur du théâtre du Lavoir Moderne, jusqu’à son ascension dans le milieu de l’art contemporain, en passant par ses études aux Beaux-Arts de Paris. En miroir d’Apolonia, ce sont aussi les destins d’Oksana Shachko, l’une des fondatrices des Femen, et de la réalisatrice, qui se dessinent. Une sororité à trois faces, à l’épreuve du monde d’aujourd’hui.
Un documentaire intense et magnétique, à l’image de ses personnages guidés par un besoin vital d’expression et de liberté. Une fascinante rencontre qui se déploie sur le temps long, dans une énergie éclatante et communicative. LP.


Prix du film politique, Festival international du film documentaire de Copenhague 2023


Peacock

lundi 31 mars 2025

de Bernhard Wenger

avec Albrecht Schuch, Julia Franz Richter, Anton Noori

Autriche | 2024 | 1h42

Matthias est un maître dans son métier. Avez-vous besoin d’un «_petit ami cultivé_» pour impressionner vos amis ? Un «_fils parfait_» pour influencer l’opinion que vos partenaires d’affaires ont de vous ? Ou peut-être simplement un sparring-partner pour répéter une dispute ? Quoi qu’il en soit, il suffit de louer Matthias ! Bien qu’il excelle à faire semblant d’être quelqu’un d’autre tous les jours, le simple fait d’être lui-même est le véritable défi.
Convoquant le meilleur de Ruben Östlund et Yórgos Lánthimos, Bernhard Wenger recourt à un humour caustique qui flirte avec le surréalisme. Une délicieuse parabole sur l’(im)posture sociétale et l’irresponsabilité sociale. OC.


Semaine de la critique, Festival de Venise 2024


Under the volcano

lundi 31 mars 2025

de Damian Kocur

avec Sofia Berezovska, Roman Lutskyi, Anastasiya Karpenko

Pologne | 2024 | 1h45

Une famille recomposée ukrainienne passe les derniers jours de ses vacances sur l’île de Tenerife. Suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, elle se retrouve alors coincée sur l’île et se confronte à l’isolement. Ses membres doivent faire face à leurs responsabilités, à leurs craintes et passent soudainement de touristes à réfugié·es.
Le polonais Damian Kocur choisit un angle profondément singulier pour aborder ce sujet omniprésent dans l’actualité européenne et mondiale. Les brillantes performances des quatre acteurs·ices révèlent un panel d’émotions à la fois contenues, insupportables, subies et parfois finalement débordantes. Deux mondes se font face, l’un composé de vide, d’incertitude et d’errance, le second empli d’insouciance, de joie et d’activités banales, qui viennent violemment frapper les protagonistes alors en exil. Un film subtil, intime et saisissant. LP.


Sélection officielle, Toronto Film Festival 2024


Kneecap

lundi 31 mars 2025

de Rich Peppiatt

avec Michael Fassbender, Moglai Bap, Mo Chara

Irlande, Royaume-Uni | 2024 | 1h45

C’est dans une salle exaltée que nous avons découvert Kneecap, feel-good movie dans lequel nous suivons un trio de rap irlandais aux allures de Pieds Nickelés. Ceux-ci deviennent la figure de proue improbable d’un mouvement ouvrant la voie à la résurgence de la langue irlandaise contre l’ordre établi. Le premier film de Rich Peppiatt dresse ainsi le portrait d’une jeunesse combattante de Belfast où Trainspotting n’est jamais loin par son côté punk explosif et ultra-divertissant. Et si Kneecap est exubérant et attachant, il le doit en bonne partie à ses interprètes Mo Chara, Móglaí Bap et DJ Provái, dont l’histoire du film s’inspire. OC.

Le film comporte des effets stroboscopiques, du contenu sexuel explicite, et certaines scènes peuvent heurter la sensibilité de certain·es spectateur·ices.


Prix du public, Festival Sundance 2024


On Falling

lundi 31 mars 2025

de Laura Carreira

avec Joana Santos, Inês Vaz, Piotr Sikora

Royaume-Uni, Portugal | 2024 | 1h44

Aurora, immigrée portugaise, travaille comme préparatrice de commandes dans un vaste centre de distribution en Écosse. Coincée entre son lieu de travail et sa colocation, Aurora cherche à résister à la solitude et à l’aliénation qui commencent à menacer son sentiment d’identité. On falling témoigne des conditions professionnelles aliénantes qui transforment l’humain en une coquille vide, un corps rentable et performant, dangereusement insensible et déconnecté de ce qui l’entoure. On souligne une maîtrise de l’écriture scénaristique qui tient la tension de bout en bout, isolant son personnage principal dans des plans resserrés, entre les murs de l’entrepôt et ceux de son logement. On Falling offre également un portrait de femme puissante par sa tentative vitale d’émancipation de sa condition, quand bien même celle-ci semble inextricable. LP


Prix d’interprétation féminine, Premiers Plans 2025


Les Contes de Kokkola

lundi 31 mars 2025

de Juho Kuosmanen

avec Jaana Paananen, Aku-Petteri Pahkamäki, Juha Hurme

Finlande | 2025 | 1h01

C’est à Angers dans le cadre de l’excellent festival Premiers plans que nous avons découvert ce programme. Nous connaissions déjà le cinéma de Juho Kuosmanen, dont nous avions déjà programmé les films Olli Mäki et Compartiment n°6. Ici, un premier court raconte l’histoire de Romu-Mattila, qui vit avec son chien et doit quitter son appartement pour déménager en Suède. Un deuxième est une version revisitée de la première fiction finlandaise, aujourd’hui introuvable. Un troisième est né du désir de proposer une aventure spatiale dont les décors et les accessoires seraient faits de bric et de broc.
Trois courts métrages aussi loufoques les uns que les autres, un moment suspendu et drôle, d’une délicatesse infinie. Un régal ! OC.
Note : Les Contes de Kokkola – Une trilogie finlandaise se compose de trois courts métrages muets : Romu-Mattila et une belle femme (2012), Les Buveurs de lune (2017) et Une planète lointaine (2023).


Rétrospectives, Premiers Plans 2025


Le Retour du projectionniste

lundi 31 mars 2025

de Orkhan Aghazadeh

documentaire

France, Allemagne | 2024 | 1h27

Dans un village reculé des montagnes Talyches, entre l’Iran et l’Azerbaïdjan, un réparateur de télévision dépoussière son vieux projecteur soviétique, il rêve de réunir à nouveau son village devant le grand écran. Les obstacles se succèdent, jusqu’à ce qu’il trouve un allié inattendu : un jeune cinéphile. Deux générations se rencontrent et ramènent le cinéma et sa lumière au village. Une ode au cinéma comme objet magique, d’émerveillement et de transmission intergénérationnelle, mais aussi profondément fédérateur puisque c’est finalement tout un village qui est transporté par cette initiative individuelle. Un portrait tendre, chaleureux et lumineux, qui aborde l’art comme vecteur de lien humain, rempart face à la violence du monde, et révélateur de nos mémoires collectives. LP.


Prix du Meilleur film compétition documentaire, Festival du film de Turin 2024


Interceptés

lundi 31 mars 2025

de Oksana Karpovych

documentaire

Canada, France, Ukraine | 2024 | 1h35

Des conversations interceptées par l’armée Ukrainienne, entre les soldats russes sur le front et leur famille, traversent les images du décor brut de l’Ukraine d’aujourd’hui.
Ces échanges téléphoniques enregistrés à l’insu des protagonistes rendent compte de l’impact édifiant de la propagande russe auprès de ses citoyen·nes.
La réalisatrice Oksana Karpovych manie le montage du son et de l’image avec finesse, brio et efficacité, révélant toute la folie et l’absurdité de cette guerre mais aussi la place de la manipulation des idées dans ce conflit.
L’angle choisi par la réalisatrice fait de ce documentaire un objet rare et percutant. LP.


Prix du public (section Diagonales), Premiers Plans 2025